Les étoiles qui pleurent [PV Isaya]

Il y a avait des larmes d'étoiles le long de la route, il y avait des cailloux froids et des herbes gelées. Il y avait une lueur pure mais sans chaleur, il y avait un deuil de la nature, d'une extrême beauté.
Il y avait un sentier de gravier le long de la mer ondoyante d'herbe argentée, il y avait une rivière, brillante, vive, aussi froide que le monde, un reflet de la lune entre ses vagues.
Et il y avait la source. Niché à l'ombre de multiple bosquets, dans un recoins moussu de la plaine, sortant d'un simple amoncellement de roche, poli par le passage incessant de l'eau cristalline.

C'était là que ce soir arriva Hatchi, attiré par la lueur des étoiles qui pleurent, qui traversent le ciel à la recherche d'une nouvelle terre. Il était là, au bout de la source, les pattes trempées par le courant froid mais agréable d'une saison d'hiver. L'Aquali contemplait avec adoration l'astre lunaire, dont la lumière diffuse, sans chaleur, n'était que plus belle, de par son éclat coruscant.

Il était arrivé en jouant avec un jeune Arakdo qui l'avait laissé tombé, emporté entre les serres d'un Airmure, descendu de la montagne. C'était triste, mais le reflet de la lune sur les ailes métalliques avait tout bonnement émerveillé Hatchi, qui, finalement, n'avait pas sauvé cet ami de courte date.
Et maintenant, il regardait toujours la grande sphère blanche, qui semblait être la seule amie fidèle qui voulait bien le retrouver chaque soir. Aucun des autres qu'avait pu connaître le jeune pokémon n'était revenu un jour.
Alors que la lune, si.

Posant sa tête sur ses pattes avants, le monstre de poche sentait l'écoulement de l'eau fraîche à quelque centimètre de son visage. Et cela l'apaisait. Il n'avait plus qu'à attendre que la lune reparte, et le laisse à nouveau seul, il n'avait plus qu'à s'endormir, et elle serait repartie. Elle le laisserait, isolé à la source de cette rivière d'eau vive, qui s'écoule depuis la montagne, là où plus personne ne s'approche, les Airmures sont encore trop dangereux dans cette saison blanche où on ne les voit pas arriver.

Le pokémon aquatique se sentait glisser lentement, se lover entre les bras tendre et doux de Morphée quand un bruissement d'herbe, un mouvement suspect d'un pokémon étranger l'éveilla. Un prédateur? Un intéressé? Un nouvel ami de Courte date?
Qui savait? Pas Hatchi dans tous les cas.

Isaya, allongée sur un rocher qui surplombait la source lumineuse, ne pouvait retenir ses larmes. Elle se sentait seule, si seule... Depuis que Seth, son amour, l'avait abandonnée. Elle bouillonnait de tristesse et de rage en elle. Elle avait fait confiance et s'était entichée d'un Pokémon sauvage... Mais au fond, ils étaient tous pareils ! Seth l'avait abandonnée, sans crier gare ! Oh, elle aimerait tant rentrer chez elle... Se coucher dans un panier douillet, noyée sous les coussins, ou sous un drap de soie, tout près de sa chère Léna... Mais elle était sur l'île de Seikan, coincée, livrée à elle-même dans une nature sauvage, méconnue des humains... À cause de sa célébrité. Isaya soupira. Elle était désespérée. Elle, la star planétaire du Music-Hall, Pokémon d'une famille milliardaire, voilà ce qu'elle était devenue... Pour une fois, elle aurait été folle de joie d'apercevoir un de ces insupportables paparazzis. Elle avait cru trouver le bonheur en rencontrant Seth... Elle s'était trompée lourdement. Elle s'était faite avoir ! Mais... Elle avait vraiment sentit en Seth quelque chose qui lui plaisait, que seul lui possédait... C'était assez difficile à expliquer. Pour elle, l'Aquali était la perle rare... Mais cet Aquali était parti. Et elle était seule.

Désespérée et n'arrivant pas dormir, Isaya sauta gracieusement du rocher sur le côté, et fit quelques pas dans l'herbe. Elle crut alors apercevoir un pelage bleu, juste à côté de la source. La Givrali se figea. Un Aquali ! Étai-ce vraiment ... ? Non, ce n'était pas Seth... Elle le sentait, ce n'était pas lui. Isaya se rendit compte que ses joues étaient trempées de larmes et ses yeux rougis en étaient baignés. Arborant l'expression la plus glaciale qui soit, la belle Givrali ignora le Pokémon sauvage. Elle n'avait rien à lui dire. De toutes façons, ils étaient tous les mêmes. Rustres, violents, sournois. Elle les détestait. Elle était supérieure à tous ces Pokémon...

Elle s'assit sur l'herbe, réprimant une grimace de dégoût, essayant tant bien que mal de retenir ses larmes. En vain. La belle Givrali était brisée. Brisée parce qu'on lui avait volé sa vie, parce qu'on lui avait volé son cœur. Tout ce qui comptait pour elle n'existait plus. C'était comme si Isaya de Givéral n'existait plus...

Les étoiles pleuraient. C'était l'époque.
Une Givrali aussi. C'était elle qui l'avait réveillé. Etait-elle une étoile? Hatchi ne savait pas. Mais elle pleurait.
Comme les étoiles de ce soir.
D'ailleurs c'est quoi des étoiles qui pleurent? Pourquoi pouvait on dire qu'elles pleuraient?
La Lune, elle, elle ne pleurait jamais. Enfin, Hatchi ne l'avais jamais vu pleurer.
Tournant la tête vers le triste pokémon, l'Aquali observa, goutte après goutte, les larmes s'écouler.
L'astre rond s'y reflétait. Sa lumière froide se réfléchissait dans l'éclat des perles salées. Brillantes petites lueurs dans le désespoir des nuits.

Il se releva alors, cette image était belle, intéressante, fascinante, et il s'en approcha. La Givrali semblait tellement affligée. On aurait dit que rien n'aurait su lui rendre un potentiel bonheur.
Comme si, tout s'était effondré autour d'elle.
Comme si la petite bulle qui l'enfermait, la protégeait des douleurs du monde s'était percé.
Comme si elle se trouvait être la victime d'une terre qui ne la reconnaissait pas.
Hatchi n'avait jamais vu de pokémon pleurer. Lui même, ne se souvenait pas d'avoir pleuré un jour. C'était beau, cette Givrali qui pleurait.

Il s'approcha alors du monstre de poche si triste, doucement, étalant les petits herbacés qui apprenaient eux aussi à vivre, à leur manière. Elle était sur un rocher. Telle une reine qui commande à la fontaine, et cette image frappa l'Aquali : on aurait dit que ces larmes faisait couler la source, devenait le ruissellement qui s'en écoulait.
Quelle beauté sous la lune se cachait donc encore? Les yeux d'Hatchi buvaient ses images comme ses oreilles pouvaient boire les paroles de la nature.

Maintenant à côté du rocher d'où la princesse des glaces pouvait le regarder, le renard des eaux s'assit.
Sous les étoiles qui pleurent, il réfléchissait. Son pelage bleu attrapait les éclaboussures du ruisseau jaillissant et s'en faisait une veste pailletée qui réfléchissait elle aussi la lumière des astres.

" Pourquoi pleures-tu ici ? "

La question était simple, mais se décomposait assez rapidement. Hatchi se fichait de la quelconque raison de son larmoiement. Ce qui l'intéressait, c'était sa recherche de la beauté. Pourquoi donc s'était-elle rapproché des étoiles en montant sur son rocher? Pourquoi donc pleurait elle, pareilles au milliers de lueurs qui illuminent le ciel?
L'Aquali n'était pas sauvage, mais n'était pas non plus galant. Il avait vécu auprès des humains, mais n'en avait pas tiré d'enseignement particulier. Juste qu'il fallait admirer les belles choses du monde.

" Moi je suis Hatchi. C'est joli tes larmes sous la lune. Ne t'en vas pas..! Je ne suis pas méchant, ni sauvage. Je trouve juste ça joli.. "

Le pokémon n'avait aucune formation en tant que psychologue et ne s'y essayerait pas. Il voulait juste connaître la nature des images assemblées ici par le monde, pour lui offrir ce triste et rayonnant spectacle.
Elle pouvait être brisée, elle pouvait être éprise d'envie suicidaire, l'Aquali ne saurait pas vraiment l'aider, enfin, pour se qu'il en savait.
Toujours était il, que sous la lumière des étoiles larmoyantes, ce soir pleurait une Givrali.
Et dans le silence d'un vent qui s'essoufflait, volaient les éclats d'un esprit affligé, s'épuisaient les osmoses mondaines, et se ruinaient les beautés de la Terre.

Isaya ne réagit pas aux paroles de l'Aquali. Elle s'enfonçait peu à peu dans une profonde léthargie. Dans son esprit tourbillonnaient ses souvenirs, l'idylle qu'elle avait vécu avec Seth, une idylle si courte... Comme un rêve. Plus intense qu'un rêve. Elle était passée d'une joie sans pareille à un désespoir sans fond...

Car... Il n'avait pas disparu...

La réalité, terrible, s'imposa à elle comme un mur infranchissable. Il était mort ! Il avait trépassé dans les serres d'une Vaututrice ! Ces êtres abjects, ces...

Isaya poussa un cri strident et sauta sur ses pattes. Les yeux brillants de fureur, de chagrin, elle grogna. De princesse éplorée, elle devint guerrière majestueuse. Elle vengerait son amour. Et ce n'était pas en se lamentant qu'elle y arriverait. Elle ne voulait pas vivre de cette façon. Il fallait qu'elle se maintienne constamment en activité, pour ne pas sombrer dans le désespoir... Et elle retrouverait le Vaututrice qui avait anéanti son prince. Elle ne savait pas où, ni comment, mais elle le retrouverait. Il payerait. De sa vie ! La vengeance ne ferait pas revenir Seth, mais le cœur d'Isaya s'apaiserait. Pour l'instant, chaque battement était comme un coup qu'elle porterait à cet oiseau de malheur.

La Givrali retroussa les babines avec férocité, tel un rictus sadique. Assit en bas du rocher, l'Aquali l'observait et attendait. Isaya le toisa, et se souvint de ses paroles. Lucide, elle s'obligea à se rasseoir et à calmer ses émotions qui tempêtaient, et son cœur qui battait la chamade. Hatchi, qu'il s'appelait. Beau nom. Isaya éprouva vaguement un sentiment de nostalgie en repensant à ce prénom. Étrange. Que signifiait-il ? "Hatchi"...

Isaya se calmait. Pour l'instant, l'Aquali lui occuperait l'esprit... Mais elle tressaillit de douleur en le comparant à Seth. Pourquoi, comme par hasard, rencontrait-elle un Aquali ? Oh, et puis... La Givrali poussa un soupir. Ce n'était rien que le hasard, rien de plus. Il ne fallait pas s'emporter pour ça, même si elle se sentait à deux doigts d'exploser, ne supportant plus ce trop-plein d'émotions qui l'agitait.

La Givrali repensa aux paroles de l'Aquali. Il ne voulait pas savoir pourquoi elle pleurait. Il trouvait ce moment joli, comme si Isaya complétait un tableau, triste et poétique. Oui, cet Aquali était un poète. Comme elle était une danseuse. Avait-il vécu chez les humains, pour avoir un tel caractère ?

Tu es un poète, hein ? Je suis Isaya de Givéral... Et je n'ai pas l'intention de partir. Du moins par pour l'instant.

Les morceaux d'un monde qui s'effrite, et qui vous tombe dessus, cristaux par cristaux, pièce par pièce, doucement, tendrement, des chutes. Un monde fait d'une blancheur extrême et de formes abstraites, la pureté même qui s'écoule le long des brises. Et qui embrasse froidement le front de la terre endormie.

Toute nouvelle, toute neuve, entre temps morts et temps de paroles, goutte après goutte, flocons après flocons, l'eau voyageait dans l'immensité de la plaine. L'eau, le froid, le vent, les larmes, remontée d'espoir, chute dans la cascade, tout ça, ce monde, cette expression de la vie, cette expansion des uns comme des autres, elle réchauffait le vide donné par l'hiver. Cette vision ranimait le monde mort et éteint, elle.. Réapprenait doucement, petit à petit à se mouvoir, sous les baisers de neiges que lui offrait le ciel.

C'était la plaine, sous un ciel plein d'étoiles, où tout semblait pleurer; tomber des petits extraits de soi, retenir un sanglot contre son propre coeur, son noyau, sa création.

Et ils étaient là. Vivant, témoin, observateur, doué de raison, pensées, esprit, animal, sauvage, puissant, naturel, vivant. Ils étaient là, et ils attendaient, dans un silence que seul l'atterrissage des petits fragments froid pouvait briser, mais ne le faisait, même pas.

* C'est beau cette plaine sous les larmes des étoiles * pensa Hatchi.

Il n'y avait peut être actuellement rien de plus parfait pour que ses pupilles brillassent autant. Finalement, il n'avait rien vu encore. Il était jeune, et les trésors du monde ne s'était pas tous découvert. Il était jeune encore.
Cette Givrali, elle le semblait aussi. Jeune. Bornée, têtue, forte, dans le fruit mûr de l'âge. Mais fermée, fermée à ce monde violent, à cette lutte constante que demande la vie naturelle. Comme les hommes. Habituée trop vite..? Elle avait pourtant l'air si fragile tout à l'heure, en haut de son rocher, des larmes au coin des yeux, dans son exquise lamentation. Et puis là, révélation, resplandissance, éveil, et ce de façon puissante, ayant crié jusqu'à réduire le dernier flocon en poussière cristalline...

Si jeune, fragile, forte, si... Humaine..! Hatchi avait vécu auprès des humains, quelques temps. Un marin d'ailleurs, bien sympa. Barbu, le genre de gentil capitaine qui vous fait découvrir la vie. Il lui avait montré son premier récif de corail, rouge..! Vermeil, vif, comme la première goutte après s'être blessé au côté d'une rose. L'Aquali avait été fasciné, et remué jusqu'aux tréfonds de son âme. Alors lui, un poète..? Non.
Il n'aurait su définir ce que c'était que cela, un poète, des vers, de la poésie.. Paroles compliquées et tropleine de sens pour lui. Non, ce n'était pas un poète, mais plutôt une âme qui aimait la vie comme la nature, qui apprenait à profiter de chaque tableau saisissant que Mère lui offrait et pouvait lui offrir. Voilà ce qu'il était. Mais non, pas un poète. Un poète, ça parle, ça discute, discoures, et ça ne s'arrête jamais.
Le petit renard bleu, lui, ne faisait qu'observer, jeter un regard qui s'empourpre et qu'on récupère à la volée de peur de le perdre à jamais. Il regardait et il pensait, faisait son avis, photographiait. Un artiste..? Pas encore, qui savait donc ce que c'était que l'art..? Les pokémons..? Sauvages, non. Éduqués, un peu plus. Mais les artistes, les vrais, ils sont humains. Et souvent poète.

" Pourquoi poète? Non, je ne suis pas poète. Ce sont les hommes qui sont poètes. On apprend rien quand on poètise, on apprend aux autres. Les poètes, ils savent tout, tout avant et mieux que les autres. Moi j'suis pas un poète, j'étais sur un bateau, en bois. Avec un capitaine. C'était pas un poète non plus. Mais il chantait. Et il savait me montrer ce qui était beau. Tu veux parler..? Non..? Je ne sais pas..."

Non, il ne savait pas. Il hésitait, allait-elle l'agresser? Il prenait tellement tout à la légère, elle, elle souffrait tellement. Ou en avait l'air. Hatchi s'en fichait, mais quand même, il valait malgré tout faire attention. Les femelles ont la fâcheuse tendance à prendre tellement de choses mal. Trop de mots pris au sérieux, alors que les mots, ce n'est même pas naturel.

" Tu as connu des humains non..? Les pokémons sont rarement "de" quelque part ou quelque chose. A moins qu'à tes yeux ce soit une coutume, et alors tu m'appellerais "Hatchi du bateau d'bois", mais bon, ça ne m'enchante pas. C'est quoi... Givéral..? Tu viens de là bas..? Ça fait beaucoup de question, j'espère que je n'te fais pas.. "peur". Je suis assez décalé, on me l'a déjà dit... 'fin, pour ceux qui ont pu me parler."

Il n'y avait que peu de personne à qui Hatchi avait pu adresser la parole. De temps en temps il jouait avec d'autres pokémons, mais par un coup du sort, et une preuve évidente de manque d'habileté, l'autre se faisait toujours manger. Dure loi de la jungle pokémonesque.
C'était comme ça. Comme ça et pas autrement, personne n'osait crier le contraire.
Et ça pourrait encore durer longtemps, seulement, personne ne s'en préoccuperait ou ne s'en préoccuperait jamais; ils n'étaient pas humains.

Isaya se coucha sur le ventre, écoutant l'Aquali. Décalé ? Elle avait vu des gens plus fous que lui. En apparence, Hatchi était un Aquali des plus ordinaires, mais à peine l'on dialoguait avec lui que l'on se rendait compte de notre erreur. Ne jamais, jamais se fier aux apparences ! Hatchi était loin d'être ordinaire. Isaya l'écouta d'une oreille attentive, chose inhabituelle. Les rares fois où elle avait du dialoguer avec un Pokémon, elle n'avait prêté qu'une attention de façade à ses propos. Mais elle tenait à se distraire le plus possible ce soir, éviter de se faire écraser par la tristesse et la rage.

Lorsque Hatchi lui confia qu'il craignait de lui faire peur, Isaya n'y tint plus. Elle éclata de rire, sans pouvoir s'arrêter. Lui ? Lui faire peur ? Était-il vraiment... Sérieux ? Oh, il ne la connaissait pas... Elle se releva, fière et hautaine, fixant le Pokémon aquatique :

Crois-tu vraiment pouvoir me faire peur ? N'oublie jamais, Hatchi, qu'il en faut beaucoup pour effrayer Isaya de Givéral. "De Givéral", c'est le nom de ma famille. Mon ancienne famille. Et même si le destin m'a séparée d'elle, je nourris l'espoir de quitter cette île et de les retrouver.

Mais avant de quitter l'île, Isaya avait un devoir à accomplir. Tuer les Vaututrices qui lui avaient arraché Seth. Elle le vengerait, et enfin s'apaiserait. Et elle ferait tout pour accomplir cette vengeance. Tout... Elle n'avait pas peur de tuer. Elle ne voulait montrer aucune faiblesse, d'ailleurs. Ces Vaututrices méritaient de mourir, eh bien, ils mourraient. Et peu importe si elle mourrait d'épuisement après le combat. Après tout, la vie avait perdu ses couleurs sans Seth. Et quand bien même elle retrouverait sa famille, cette dernière ne pourrait combler le vide en elle. Ce vide qu'avait provoqué la mort de Seth. Isaya pensait que personne ne le pourrait. Elle n'aimerait jamais quelqu'un d'autre que son Aquali perdu. Il était le premier, et le dernier. Isaya soupira. Elle avait avoué à Hatchi qu'elle voulait quitter l'île et retrouver sa famille. Seikan signifiait trop de souvenirs pour elle. La Givrali ne pourrait se rendre à la plage sans se souvenir de ce soir où elle et Seth s'étaient avoué leur amour, cette nuit où ils s'étaient rencontrés. Et se souvenir serait trop insupportable. Et lorsqu'elle avait cru retrouver son amant, et que les Vaututrices l'avaient tué... Isaya tremblait. Elle tenta de se ressaisir, tenta de fuir ses pensées. Si elle continuait à tout se remémorer, elle allait s'effondrer. Les souvenirs vivaient en elle, et elle tentait de faire l'aveugle. Ne pas les voir. Ne pas les sentir.

"Ne pas y penser.
Oublier.
Ne pas espérer l'inespérable, ne pas penser à s'immortaliser ou viser l'infini.
Pas d'question; pas d'projection. Ne pense pas à la mort.
Repousse signes et stigmates. Enferme éloigne, ébruite les liens.
Crève les yeux d'la vieillesse. Ignore la maladie! Repousse! exclue! Enterre très loin!
Embaume et maquille à la mode vivante. Camoufle..."

C'était un écho de la vie dans la mort. Une lueur douce dans des pensées morbides, perdues, désagréablement et de façon contraste plus vivace que jamais.
Se dire que la vie, c'est la fraction de seconde que met ce flocon, cet éclat de lune, à se disloquer, disparaître, fuir en poussière d'étoile.
Se dire qu'elle se limite à un battement de cil, l'explosion lumineuse de milliers d'astres sommaires.
Et c'était ça, les tremblements, les soubresauts, la souffrance omniprésente, les hurlements, la nervosité, ce rire, et cette explication à la fois gratuite et vide de force.

Bien évidemment, Hatchi ne savait pas les circonstances, les moments, la souvenance de tout ce qui avait construit cette Isaya en face de lui.
Bien évidemment, il ne réfléchissait pas tant que ça aux souffrances endurées et aux vengeances fortuites. Mais il les sentait lui.
Il sentait et ressentait cette réminiscence d'image, de sensation, de femme parachute au fin fond du ventre qui s'écrase et brûle les papillons devant soi. Il sentait l'aura sombre, amère, nasillarde et rauque de cette absence de tout. Ce passé éternel et futur imprévisible.

" Aurais tu donc à ce point tant d'orgueil, "Dame" Isaya..? Penser qu'il en faut beaucoup plus que cela pour te faire peur alors que tu trembles déjà..?
Trêve de quiproco, je n'avais nullement l'intention de t'effrayer par mon physique ou ma force.. Non, c'est ce côté, décalé, justement, celui qui me dit de laisser tomber l'ami rencontré si récemment, au mains d'un Airmure gourmand, ou celui d'admirer quelqu'un pleurer sans même chercher à en profiter ou réconforter cette tierce personne... Habituellement, c'est cela qui effraie. Je connais peu de monde, mais je sais que c'est différent des autres..
Peut être l'ambiance humaine qui nous touche encore..? Je ne sais pas.. Tant pis.
Mais pour revenir à l'idée principale, si plus fou encore il faut être pour t'effrayer, alors... J'en suis un peu plus heureux, peut être que tu ne te feras pas emporter par une quelconque bestiole à l'estomac vide qui rôderait par ici..."

C'était peut être trop... Mais bon, comme il l'avait dit, tant pis. Peut être se vexerait-elle? Hatchi n'en avait que faire, et même peut être que ce serait intéressant..! Les femelles avaient cette faculté d'être tellement plus attrayante une fois un peu irritée.
La neige tombait à petit, tout petit flocon. Comme de petites bises qui tomberaient sur les joues des gens, un peu froides et brûlantes à la fois, de petites morsures à fleur de peau. L'aquali aimait bien l'eau. Quoi de plus normal? Mais il trouvait à la neige, une façon si particulière de rentrer dans la vie qu'il adorait le spectacle de ses étoiles filant sous le rideau noir de la nuit.

" Au fait, j'y repense maintenant, mais.. Ta famille? Ton "maître" avait un nom pour ta famille..? "

Hatchi venait d'y repenser et se retrouvait déconcerté par cet acte. On savait que tous les pokémons étaient liés par un seul et même, et pourtant, on pouvait les différencier..?
Quoi qu'il arrive, le petit renard, n'avait jamais entendu parler de "nom de famille" peut être chez les autres humains, mais le Cap'tain n'en avait jamais parlé à son bord.

" Et pourquoi donc quitter cette île? Quelle assurance as-tu que tu retrouveras cette "famille"?
Moi je sais que je la retrouverais jamais, le Cap'tain a été formidablement foudroyé par un ciel sans orage. Destin, dieu ou fatalité malencontreuse.. Je ne sais pas.
Toujours est-il, que je me demande ce que fait ta famille pour te retrouver..."

L'aquali était sceptique. Les noms de famille ne lui évoquait rien. Mais l'orgueil quant à évoquer ce nom lui rappelait ces richissimes dames qui pavanait leurs larges mollets sur les planches, cachés sous des feuille et des feuilles de tissus inutiles et brillantes. Ces personnes étaient d'ailleurs ridicules aussi bien dans leurs manières que dans leurs pensées ou dialogues. Et quand un enfant fut tombé à l'eau, c'était lui, et non pas les dames qui s'en furent inquiétées...
Voilà ce que Hatchi trouvait bizarre. Ces évocations humaines, ce côté malsain qui contaminait chacun d'eux et ceux qui ne sont pas eux.
Les humains humanisaient et dénaturaient les terres, les mers, les airs, les îles. Et maintenant, oui maintenant, ils humanisaient et dénaturaient, de la même façon, ceux qui sont les autres.
C'était ça, le danger.
Qu'on ne pressent pas, qu'on a pas senti, qu'on ne sentira pas. Mais qui est, et sera toujours, vulgairement imposé et sans faire attention aux dates; Là.

[HRP]: Le premier paragraphe n'est pas de moi, c'est une comédienne qui l'a écrit, je t'en parlerais plus si ça t'intéresse ^^ [/HRP]

Sujet: Re: Les étoiles qui pleurent [PV Isaya] Mar 30 Oct 2012 - 13:19

Isaya fusilla l'Aquali du regard. Ses griffes brillèrent d'un ultime éclat à la lueur de la lune, et elle retroussa les babines. Son regard se fit impitoyable, plus dur que la glace. Elle ne craignait rien. Elle ne craindrait plus rien. Jamais. Et désormais, elle ne laisserait plus de place à la faiblesse. Plus de place aux sentiments. Plus jamais, plus jamais ! Elle ne se laisserait pas mourir, comme la frêle lueur d'une bougie. Non, elle était le brasier, l'incendie ! Elle se ferait guerrière, tueuse s'il le faut, mais plus jamais amante. Elle ne s'attacherait à personne, désormais. Il ne fallait plus compter que sur elle même. Et elle ne faillirait pas.

Si elle ne revient pas, tant pis. De toute façon, il me faudra réfléchir, si vivre en vaut encore la peine.

Répondit la Givrali, impassible. Ses paroles avaient été prononcées sur un ton tranquille. Il ne fallait pas avoir peur. Il ne fallait pas être faible. Isaya ne se laisserait pas faire. Elle était maître de son destin, maître d'elle-même, de ses sentiments.

Un cri perçant déchira alors la nuit, un cri que la Givrali reconnaîtrait entre mille. Lentement, elle se retourna, apercevant deux yeux jaunes déments la fixer. Un Vaututrice.

Isaya demeurait tranquille. Se vengerait-elle ? Non. Seth faisait partie de son passé, il était mort. La vengeance ne le ferait pas revenir et elle était inutile. La Givrali n'avait plus aucun sentiment pour l'Aquali qu'elle aimait autrefois passionnément. Mais si ce Vaututrice la provoquait, il le regretterait.

L'animal nécrophage fondit sur Isaya qui sauta et lui frappa violemment le flanc avec une Queue de fer. Le charognard poussa un cri de souffrance. Il tomba à terre et Isaya l'immobilisa d'un Laser Glace sur les ailes :

Fais attention, si tu tiens à ta vie !

L'animal se débattit désespérément et il finit par se libérer. Il s'envola, ne laissant que des plumes pour trace de son passage. Isaya le regarda partir, dubitative. Pourquoi l'avait-il attaquée ? Savait-il qui elle était ? Celle dont ils avaient tué le Pokemon qui autrefois était son amant ? Peut-être craignaient-ils sa vengeance... Une vengeance qui n'arriverait jamais. Mais si cela se reproduisait, les oiseaux n'en sortiraient pas vivants. Elle les tuerait sans états d'âme.

La neige recouvrait doucement la plaine. Isaya leva les yeux auً ciel. Seules les étoiles et la lune le peuplaient à présent. Le silence régnait sur les plaines depuis l'envol du Vaututrice. La Givrali s'assit dans l'herbe, les yeux au ciel. Vivre. Voulait-elle vivre ? Tracer son chemin en solitaire, sous les étoiles, ou bien sous les rayons du soleil ? Pourquoi se donner tant de peine pour une vie banale ? Isaya repensa à son ancienne vie. Était-ce son désir, son souhait d'y revenir ? Quel était son désir ? En avait-elle ?

La Givrali regarda la lune. Elle lui semblait bien inexpressive...