Sécher les cours... Ou faire des rencontres inatendues, tiens (Pv Isaya)

Je suis épuisé. Troisième nuit blanche consécutive. La peur des cauchemars qui me harcèlent, sûrement. Pas moyen de dormir. Bon, du coup, je m’étais occupé comme je le pouvais, en jouant de la guitare une bonne partie de chacune des nuits. Et puis, ce qui était fatigant, aussi, c’était d’avoir l’air en forme afin de ne pas inquiéter ma mère. Et d’aller en cours, aussi, car ses foutues vacances n’étaient pas prêtes d’arriver. Enfin bon. C’est pas comme si j’étais malheureux ou autres. Nan, juste aussi en forme qu’une moule morte. Et dans un état zombifique quasi-permanent. Ma montre sonne trois heures. Plus que quatre heures et il me faudrait me lever afin d’aller en cours. Roh, et pis merde. Sécher serait plus intéressant.

Stoppant un instant le flux de ses pensées, il attrapa son sac en bandoulière –ornementé d’une feuille d’érable, s’il vous plaît-, empila son ours de poche, quelques partitions, un reste de pancakes au fond d’une boite en plastique et quelques mangas à l’intérieur. Après réflexion, il empoigna un peu de nourriture pour son Polarhume, qui dormait justement dans le coin, et la fourra aussi dans sa besace.

Bon. Les affaires sont prêtes. Il est tout juste trois heures dix. Encore trois heures cinquante à attendre… Et puis ce morceau que je ne parviens pas à jouer, là, depuis deux nuits... Bon, tant pis. Il ne faut pas baisser les bras, cette nuit, j’y arriverai, point.

Il empoigna sa guitare folk, s’assit sur son lit et joua quelques accords. Il fit une grimace. Encore désaccordée… Il soupira, attrapa son diapason il avait encore égaré l’accordeur-, et réaccorda tout l’instrument. Chose faite, il sourit, et commença à jouer, les yeux fermés. Il avait l’impression d’être seul au monde, et adorait ça. Et puis lentement, sans crier gare, le jour se leva, embrumant la ville encore endormie.

Voilà. C’est ça, j’y arrive! Ce morceau… Un sourire vint probablement barrer mon visage. Le « bip » de ma montre m’informa de l’heure. Il est six heures. On commence à entendre les piaillements des oiseaux. Une heure et je serai dehors. Pouvoir aller jouer de la guitare au soleil, puis dormir pendant quelques heures… Le bonheur. Il me suffit de quelques secondes pour réaliser que le meilleur endroit ou aller serait la plage. Pas la première fois que j’y irais à la place d’ennuyeux, inutiles et interminables cours divers et variés. Bref. Bruit de porte qu’on claque. Ma mère est partie bosser. Pas trop tôt…

Il se lève, prend du thé dans le placard, fait chauffer de l’eau et retourne dans sa chambre en attendant qu’elle bouille. Il range sa guitare dans son étui noir, empoigne son sac, les pose dans le couloir, appelle Kummy. Ce dernier s’étire, puis saute sur l’épaule de l’adolescent. Mattie retourne à la cuisine, verse le thé dans un mug, le boit d’une traite, et sort, au moins aussi chargé que d’habitude, avec sa besace, sa guitare, et le jeune Polarhume qui marche à coté de lui. Une vingtaine de minutes plus tard, ils arrivent dans l’enceinte de la plage. Ils traversent le petit bois qui la précède, et débouchent sur le sable.

La mer, enfin. Elle a l’air plutôt calme, pour une fois. Je me libère du poids de la guitare, ça commençait à faire lourd. Mister Cubchoo, manifestement ravi de revoir cette plage, entreprend de creuser un tunnel. Je le laisse faire, ne voyant pas qui il pourrait emmerder, et sort madame guitare de son étui. Faudrait que je lui trouve un nom, un de ses quatres… Bon, j’y réfléchirai plus tard, jouer me paraît être une meilleure idée pour le moment. Quelques accords et réaccords plus tard, je décide d’improviser, pour une fois. Et je joue longtemps, longtemps… La plage jusqu'à présent déserte ne l’est plus. Une personne et un pokémon se sont manifestement approchés. Je clôture par un accord de mib Majeur et tourne la tête vers la personne en question. Une demoiselle, à première vue. Avec une certaine… Je ne sais pas, une classe étrange, presque princière… Bon, ce qui est sur, c’est que je ne parlerai pas en premier. Je plonge mon regard améthyste dans le sien.

Erylis regarda l'heure. Cinq heures. Elle était rentrée de sa promenade nocturne il y avait deux heures. À présent, murée dans sa somptueuse demeure, elle caressait Sayanel, le puissant Arcanin. Ce dernier dormait, dans la chambre d'Erylis, Jilano le Draco lové dans son cou. La jeune femme sourit. Ses compagnons de toujours, ceux qui ne l'avaient jamais quittée. Elle les aimait tant, eux qui étaient si loyaux, si fidèles et prêts à tout pour elle. Des amours.
Elle se leva. Vêtue d'une légère tenue en soie, elle frissonna, ne bénéficiant plus de la chaleur des poils de l'Arcanin, tout feu tout flammes. Elle promena son regard dans la chambre plus vaste qu'un salon, et se saisit d'un peignoir gris perle jeté au hasard dans un fauteuil. Elle s'en enveloppa, et sortit pieds nus de la chambre. Le corridor, qui s'apparentait plus à un dédale, était recouvert d'un tapis rouge cousu de fils d'or. Oh, ce n'était pas Erylis qui avait désiré tout ce faste, cette décoration ostentatoire du manoir. Seulement, elle avait laissé carte blanche à son ancienne nourrice, Mariette, pour meubler et décorer la demeure. Cette dernière, issue d'une famille peu aisée, s'en était donné à cœur joie, dans une folle débauche de luxe. La jeune femme aurait préféré une décoration minimaliste. Mais bon. Finalement, cela lui importait peu. Les visiteurs étaient rares, dans ce manoir, de plus.

La jeune femme pénétra dans la pièce voisine de sa chambre. La garde-robe, plus vaste encore que cette dernière. Quiconque aurait été introduit dans cette pièce, en serait resté le souffle coupé. Des tenues innombrables, d'une fille de famille de sang royal. Erylis d'Emeraude se déplaçait sans accorder son attention aux froufrous infinis. Elle se décida rapidement pour une tunique bleu nuit, et un sombre pantalon moulant.. Elle désirait sortir, et la robe dont elle était vêtue était inadéquate pour la température actuelle. Elle retourna dans sa chambre, s'y vêtit, tandis que ses deux complices dormaient du sommeil des bienheureux. Elle accrocha une dague sertie de diamants à sa ceinture, dans un fourreau incrusté d'émeraudes. Elle se chaussa ensuite de longues bottes en cuir, et sortit discrètement de la chambre. Suicune surgit soudain, d'un couloir. La jeune femme hocha la tête, et tous deux dévalèrent les escaliers. Le manoir possédait plusieurs étages. Arrivés au rez-de-chaussée, Erylis poussa la lourde porte et sortit, dans la ville encore endormie, suivie de Suicune. Elle comptait se rendre à la plage.

Elle traversa la rue d'un pas rapide, et se retrouva bien vite dans un dédale de ruelles. Elle connaissait bien la ville Shi, à présent. Suicune et elle arrivèrent enfin dans le petit bois, et débouchèrnt sur la plage. La mer était calme, comme apaisée par les rayons du soleil qui l'habillaient de mille étincelles. Les Goélise se réveillaient, ainsi que les Békipan. Seuls quelques Pokémon peuplaient la plage, à cette heure ci. Erylis soupira d'aise. Le monde appartient à ceux qui se lèvent tôt. La panthère marine s'élança, et esquissa quelques pas sur l'étendue d'azur. La jeune femme sourit. Elle se déplaça sur le sable doré, et se campa face à un palmier, assez loin. Elle dégaina sa dague, et la lança adroitement. Elle vint se ficher au centre du tronc du palmier. Erylis partit reprendre sa dague, et se tourna vers la mer. Suicune semblait voler, tant il courait vite. Il était magnifique. La jeune femme sourit, pleine d'affection.

Elle entendit soudain une mélodie, jouée à la guitare. Son regard distingua un jeune homme mince et blond, qui ne l'avait pas encore vue. Elle ne se manifesta pas. Il joua longtemps, et la mélodie rendit Erylis pensive. Lorsqu'il cessa, son regard singulier se fixa sur elle. Améthyste dans l'émeraude. La jeune femme ne détourna pas le regard. Suicune revint alors sur le sable, majestueux. Il observa le jeune homme à la guitare. Ce dernier fixait Erylis mais ne se décidait pas à l'aborder. La jeune femme rangea la dague dans son fourreau, et esquissa quelques pas. Non, il ne semblait absolument pas décidé à l'aborder. Oh, les gens la regardaient souvent avec insistance sans pour autant venir lui parler. Les lèvres de la jeune femme s'étirèrent en un petit sourire. Timidité ? Crainte ? Elle aurait sans doute la réponse dans peu de temps.

Le Canadien fixe vaguement la mer, histoire d’éviter le regard de la demoiselle. Regard qu’elle a profond, d’ailleurs. Mais Matt’ a toujours eu peur du regard des autres. Il décide de penser à autre chose, a quelque chose qu’il aime. Tiens, voilà, les ours (pour changer). Mais quelques secondes plus tard, améthystes replongent dans émeraudes. Mais sans fuir, cette fois, comme des aimants, ils ne bougent pas. Le blond rougit. Même pas foutu d’engager une conversation quand il le faudrait… Avec la musique, c’est tout de suite plus simple. Les aimants mauves-bleutés fuient à nouveau. Leur possesseur les replonge dans l’océan. En réalité, il ne regarde pas la mer, son regard se fait vide, inexpressif. C’est dans cet état d’esprit qu’il joue les premiers accords de « Stairway to heaven ». Une chanson de Led Zeppelin très connue qu’il a apprise pendant ses débuts de guitariste, il y a longtemps, au Canada. Et sans savoir d’où lui vient ce courage, il commence à chanter. Pas a mi-voix, non, il chante carrément. Voix qui n’est d’ailleurs pas désagréable, un peu cassée. Ce sont les Iris émeraude qui recaptent les améthystes, sans leur laisser le choix. Et ça, la chanson, la brise douce qui souffle, les émeraudes… Choisissent ce moment précis pour faire ressurgir les souvenirs les plus anciens. Les blessures qu’on croyait cicatrisées et qui n’attendait que le signal pour se rouvrir.

La forêt. La forêt dans toute son immensité. Toute cette beauté gratuite, qui, quoi qu’il arrive, sera toujours là. Mattthew, quatre ans. Un enfant qui n’a pas pleuré. Qui s’est contenté de souffrir seul. Il court dans cette forêt. Arrivé dans une clairière, il hurle. Il hurle après son père, après sa mère, après lui-même… Et il tombe. Sans crier gare, juste le bruit sourd de sa chute dans la mousse encore humide de rosée et celui des quelques oiseaux trop bavards. Épuisé. Inutile. Ne pouvant rien faire. Enfant incapable de comprendre sa propre personne. Les larmes coulent, des torrents. Le gamin pleure sans bruit. Resté en boule, tel un fœtus dans le placenta maternel. Ne bouge pas. Se contente de trembler. Et le temps se retrouve comme arrêté. Un dernier hoquet. La source des larmes est enfin tarie. Il regarde autour de lui. Seul. Seul. Les yeux d’une Medyhena captent les jeunes améthystes.

Le lien était là. Les yeux. Cette jeune femme a des yeux de la couleur exacte de ceux de la louve. Et l’enfant des dernières larmes replonge dans sa léthargie, enfoui dans le cœur canadien.

Les émeraudes pénètrent dans ce même cœur.
Vont le toucher comme des flèches empoisonnées. Vont le toucher là ou la douleur est tellement forte, tellement profonde qu’elle en devient presque agréable. Le blond respire profondément. La porte de son passé se renferme. Il joue le dernier accord. La jeune fille n’a rien vu. Juste entendu la chanson jusqu'au bout. Juste vu la souffrance sur ce visage. La douleur apparaître puis s’effacer. Sauf si elle ne regardait pas ici. Le dernier accord de la chanson résonne dans le silence de l’aurore.

« Bonjour. »

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